https://sommes-de-nous.7i3n.org/wp-content/uploads/2006/10/Le-complexe-du-prince-Sommes-de.ogg
Nous avons tous dans notre entourage une personne atteinte par le complexe du prince. Nous l’avons tous, et nous la connaissons tous, nous savons qui elle est et pourquoi.
En fait, nulle description ne serait nécessaire pour vous expliquer qui est ce prince en question, s’il m’était possible de le désigner simplement du doigt en disant :
« C’est lui, le prince ! »
Cela apparaîtrait clairement comme une évidence écrite de CAPITALES rouges sur une auréole de quelques mètres d’envergure qui envelopperait le pourtour de sa personne.
Que comprendre alors par ce titre de « prince » que je tente d’exprimer en ce curieux complexe ?
Il n’y aurait de meilleure image que celle des princes arabes venus tout droit des contes de Mille et Une nuits, pour représenter parfaitement ceux dont je prétends parler. Ces princes capricieux et exigeants qui usaient de leur sabre selon leurs lubies pour couper les têtes de ceux qui ennuyaient de quelque manière leur prestigieuse aisance.
Cependant, je ne me contenterais pas de cette digne référence pour peu que cela eu été trop facile en cette affaire qui est de vous présenter ce complexe du prince.
Qui est donc le prince que nous côtoyons tous de si près… ?
Le prince n’est pas une personne comme vous et moi.
Il est une personne bien au dessus de cela. Il nous dépasse et nous surplombe de beaucoup, mais de grâce il daigne faire l’effort de s’ajuster à notre niveau dans un grand élan d’indulgence qu’il nous accorde amicalement.
Le prince est beau, il est grand, il est intelligent.
Quand le prince passe dans la rue, on le regarde. Quand il parle, on l’écoute. Et ceux qui se risqueraient au contraire se rendraient alors coupables de sédition aggravée.
Le prince est svelte et prend soin de sa personne.
Toute personne un tant soit peu corpulente qui viendrait à faire face au prince se verrait accusé par celui-ci d’une offense directe à sa perfection physique. La présence brutale de tout corps contraire à ses normes anatomiques serait une insulte de profane au grand prince. Si cette éventualité était amenée à se présenter, il y aurait alors de forts risques pour que cette personne un peu forte se voie reprochée d’utiliser son poids comme mode de communication illégitime avec son milieu environnant.
Le prince est une personne cultivée.
Il a étudié diverses sciences : théologie, philosophie, jurisprudence, médecine, mathématiques, aéronautique, agro-industrie, électrotechnique, alchimie, apiculture etc. Et le tout seul, sans l’aide de personne.
Le prince a toujours raison.
Pour la simple raison qu’il ne peut physiquement avoir tort. Il ne peut permettre à quiconque de le mettre en échec raisonnablement sous peine d’infarctus cérébral direct dû à un refus de possibilité psychique. Sa voie est porteuse de sagesse absolue, nulle autre ne peut exister.
Le prince est un être autonome, solitaire et indépendant.
Il sait se débrouiller seul sans aucune autre participation. Cela, non seulement il le sait, mais en plus il le veut. L’aider conviendrait à nuire à son honneur. Lui proposer une existence auxiliaire différente de sa personne en tant qu’aide physique ou morale serait une offense directe et séditieuse à sa notoriété.
Le prince sait reconnaître ses qualités.
Dénués de vices par malchance, ses vertus constituent alors sa seule richesse. Il n’a d’autre choix que d’exposer exponentiellement ses mérites de manière à trouver la reconnaissance parmi les autres. Il en découle alors un égocentrisme narcissique justifié qui ne pourrait lui porter préjudice en ce que cet état d’être constitue sa seule possibilité de survie.
Le prince est donc égocentrique.
Les autres ne l’intéressent que peu du fait de l’opportunité qu’ils ont eu à bénéficier de défauts, ceux-là même que le prince ne connaît pas. Ce n’est donc pas de la jalousie, car le prince ne connaît pas la jalousie, mais la simple conscience d’exister malgré une déficience qui aurait pu générer une inégalité de chance dès le départ. Ainsi, le prince ne comprend pas que l’on puisse lui reprocher ce caractère vaniteux, persuadé que c’est là lui-même qui souffre d’une injustice existentielle. Il se noie dans la démesure de ses proportions.
Le prince est artiste.
Il est artiste parce qu’il est égocentrique/narcissique et qu’il s’associe naturellement à cette seule fonction où la personnalité est capable d’engloutir de grands et forts ego sous de belles parures instrumentalisées. Le prince se joue alors de l’art, de la musique, de la guitare, du pinceau, du crayon, de l’objectif, de la voix, des couleurs. Le prince se considère comme la plus grande œuvre qu’il puisse être.
Le prince est alors respecté de ceux qui connaissent sa vraie valeur. (car les autres ne sont que des ignorants emplis de mépris abusif à son égard)
Quand il marche dans la foule, on se doit de s’écarter sur son chemin pour lui faire place. Qui mieux est, on le salue et lui manifeste des preuves de foi pour ne pas froisser sa grandeur. Tout contrevenant est forcément en tort avec les lois de l’empire nombriliste du prince.
Si aux grands diables, une machination visait l’attentat du prince dans la foule par un fou furieux qui viendrait à le bousculer par mégarde, que Dieu ait alors pitié du sort du malheureux qui se verrait subir les éclats impérieux du nombril de Monsieur le prince.
Le prince possède donc un espace vital minimal.
Autour de lui, un cercle de plusieurs mètres de diamètres doit exister pour lui assurer confort et sécurité. Celui-ci se doit d’être au minimum proportionnel à la taille de son sexe, car le prince dispose naturellement d’un membre anatomiquement important.
Le prince est parano.
Il croit que tout n’est que conspiration, complot, conjuration, et manigance Ă son Ă©gard. Chaque fois qu’un crime est commis, la cible originelle Ă©tait pour sĂ»r le prince. Sa non implication directe rĂ©sulte alors d’un acte rĂ©flĂ©chi, prĂ©mĂ©ditĂ© et anticipĂ© l’ayant conduit hors de danger. Cette paranoĂŻa sĂ©vère est Ă©troitement liĂ©e Ă son ego dĂ©mesurĂ© qui ne peut s’empĂŞcher d’engouffrer toutes les oscillations du monde. Il cherche alors Ă tout contrĂ´ler afin de mieux contrer les attaques que l’on pourrait lui attenter, car il sait que tout le monde est jaloux de lui et cherche Ă le mettre en Ă©chec d’une quelconque manière.
Le prince est possessif et possesseur.
Il se sent disposé de droit de possession sur tout ce qui l’entoure, que ce soit matériel ou immatériel, abstrait ou charnel, ce droit s’enfonce jusqu’aux plus obscures pensées et s’approprient les meilleurs sentiments. Pour se faire, le prince applique toutes les ruses et tous les subterfuges existants pour exercer ses droits estimés : chantage, mensonge, manipulation, pression affective…
Il devient alors une part de vous. Il vous obsède, vous réveille dans vos rêves, vous perturbe chaque jour. Il envahit vos pensées, votre corps, votre âme. Vous devenez à lui et il s’en réjouit.
Le prince est un charmeur manipulateur.
Il ne se réclame pas comme tel car cela le rendrait trop transparent et lui attirerait de la méfiance. Il prétend juste éclairer divinement la perception de ses proies, suggérer implicitement une voie, indiquer la piste d’un éventuel chemin dont jamais il n’aurait osé supposer la finalité.
Le prince est un calculateur.
Il réfléchit avec une précision mathématique à ses comportements ainsi qu’à ceux de ses victimes indexées. Il prémédite, présuppose, anticipe, projette, machine, pèse, proportionne et raisonne tous les mécanismes de l’individu pour mieux l’apprivoiser. Il réfléchis à ses actes ainsi qu’à leurs conséquences pour induire une suite de réactionnements voulus. Il use pour cela des sciences obscures de la pensée et du psychisme, étudie la psychologie neurolinguistique et s’imprègne des préceptes de torture mentale chinois.
Le prince est anti-naturel.
Il est indéchiffrable, impalpable, immuable. Plus aucun de ses actes ou pensées ne relève d’une sincère spontanéité. Chaque atome émanant de son être est perverti par de vicieux calculs obséquieux.
Le prince n’est pas un mythe, ni même un songe.
Le prince existe.
Il est cet être plus ou moins incarné que nous côtoyons tous.
Le prince est mon père.
Le prince est cette fille aux mœurs dissolues.
Le prince est cet homme au passé obscur.
Le prince est elle.
Le prince est moi.
Le prince est lĂ , juste au bout de mon doigt.
Mais malgré l’infamie et l’ignominie de cette description, il est une autre propriété inhérente au prince…
Le prince est A imé.
Il est aimé parce que chacun le connaît, le côtoie, et prend le temps de l’apprécier.
Malgré ses défauts, le prince est parfois adoré jusqu’aux larmes imbibées de sang, parce qu’il est un tout, il est une histoire, un vécu, une somme d’expérience additionnée qui corrobore et justifie l’être dans sa finalité.
Finalement…
Le prince est excusé.